ohn a quitté le ministère de l’Environnement belge pour fabriquer des tartinades bio en Ardèche.
© Stéphane Perraud

Au moment de la photo, John Lejeune place soudain ses bocaux en équilibre sur la tête. « Oui, c’est bien moi, dit-il en voyant le résultat. Il faut de la fantaisie dans la vie. »
La même fantaisie l’a conduit dix ans plus tôt à quitter son poste de conseiller au ministère du Développement durable à Bruxelles pour partir vivre en Ardèche. « J’en avais marre de passer de la peinture verte sur des projets qui ne l’étaient pas. Ma compagne, chasseuse de têtes, voulait aussi changer de vie. On a tout plaqué ! » Avec 14 000 € d’économies en poche, le couple belge débarque à Désaignes pour un remplacement de quelques mois dans une ferme. Ils s’installent ensuite dans une yourte et enchaînent les petits boulots.
En parallèle, John, qui adore cuisiner, confectionne des pâtés végétaux dans une cocotte minute. Gros succès auprès des copains qui l’encouragent à aller plus loin. En 2013, il investit 500 € dans un autoclave d’occasion et monte une première gamme de tartinades qu’il vend sur les marchés.

500 kilos de topinambours­­­

Le produit plaît, mais il hésite à en faire son métier. Jusqu’au jour où il découvre que l’ancienne boucherie d’Empurany, un village voisin, est à louer. « Ce local aux normes était beaucoup trop grand pour mon activité, mais je ne pouvais pas laisser passer l’opportunité. Je me suis lancé. » Le maire, perplexe devant ses curieux pâtés sans viande, lui octroie un bail précaire, puis un bail commercial. « J’ai dû faire mes preuves. À la campagne, la valeur travail est importante. Les habitants voient qu’en période de production, il y a de la lumière jusqu’à minuit. Là, je viens de transformer 500 kilos de topinambours à la main », sourit-il. Ses légumes proviennent des producteurs locaux. Et ses tartinades se retrouvent dans une centaine de magasins bio de la région. Son chiffre d’affaires croît de 50 % chaque année et il vit désormais de son activité, loin de la cuisine politicienne.

Tartine de chiffres

Auto-entrepreneur, John a investi 20 000 € (autoclave pro, chambres froides, matériel de cuisine) avec ses indemnités de licenciement et un prêt familial. Il devrait réaliser 90 000 € de chiffre d’affaires cette année et se dégager un revenu de 1 500 €. Il emploie ponctuellement une personne sur la transformation.

Secrets de cuisine

Une base d’oignons, d’huile d’olive et de pâte de pois chiche à laquelle il ajoute des légumes, du sel et des épices… Voilà la recette des tartinades de John. Un produit végétalien, sans lactose, ni gluten, ni soja. Numéro un des ventes : la Provençale (tomates, aubergines).
Son coup de cœur ? L’artichaut de Jérusalem (topinambour, basilic).

Stéphane Perraud, novembre 2018