Michel Vuillier cultive des sapins de Noël bio
© Axel Puig

L­­’agitation qui règne chez Michel Vuillier ne trompe guère. Dans les champs, l’équipe fagotage travaille sans relâche. Un peu plus loin, sous un hangar, l’équipe expédition classe les arbres par taille, les Nordman d’un côté, les épicéas de l’autre. Le temps presse, dans la journée il faut livrer une commune et deux magasins de jardinage. Noël arrive dans quelques jours.
La cinquantaine, l’œil rieur et malicieux, Michel Vuillier s’est lancé dans le sapin de Noël en 2007. Mais, à la différence de ses confrères des Vosges, du Jura ou de la Montagne Noire, l’agriculteur ariégeois est devenu le premier producteur de sapins bio en France. « J’ai toujours eu une centaine de sapins, mais c’était une production marginale, raconte-t-il. Une année, pour le premier Noël de l’A 380, Airbus cherchait un arbre de 18 mètres. En discutant avec une connaissance qui travaillait au Marché d’intérêt national (MIN), j’ai découvert qu’en France, on était obligé d’importer en nombre des sapins de Noël. » Pour Michel, c’est le déclic. En 2007, il décide de changer son orientation agricole en remplaçant les grandes cultures par des conifères.

Une centaine de traitements phytosanitaires

Déjà en bio pour répondre à la demande des éleveurs locaux, l’agriculteur ariégeois n’a aucune envie de reprendre les traitements chimiques. Mais en 2007, le sapin bio n’existe pas ! « Je suis allé voir un organisme de certification et ils m’ont dit que si je continuais sans utiliser de produits chimiques ils certifieraient mes sapins. Il faut savoir qu’en moyenne, un sapin de Noël reçoit une dizaine de traitements phytosanitaires par an, des engrais chimiques, des hormones de croissance
pour obtenir le même calibrage ou garantir sa couleur. Cela peut représenter une centaine de traitements de la graine à l’abattage, à l’âge de dix ans. »

À partir de 2007, Michel plante 10 hectares de conifères par an, soit 75 000 arbres issus de plants français cultivés en agriculture raisonnée. En 2013, ses premiers sapins bio, certifiés par Qualité France, arrivent sur le marché. Des tests sont réalisés. Sur 380 molécules analysées aucun élément phytosanitaire n’est retrouvé.

Au sabre et en hélico

sapins de Noël bio
© Axel Puig

D’année en année, Michel continue ainsi sa spécialisation dans le sapin bio. En dix ans, il a vendu sa moissonneuse et son semoir pour planter 450 000 arbres. « Nous achetons des plants de trois ou quatre ans. Pour avoir une belle forme, nous les taillons ensuite au sabre, une technique apprise auprès de sapiniers de l’Orégon ! Cinq ans après la plantation, on peut les récolter. L’arbre fait alors de 80 cm à 1,25 m. ». En perpétuelle réflexion pour rationaliser son mode de culture, il utilise des moutons pour débroussailler ses parcelles et « diminuer la charge de mécanisation ». « Grâce à ça, une jeune agricultrice a pu s’installer. » Quant à la récolte, elle se fait par hélitreuillage ! « L’hélicoptère coûte 23 euros la minute. Il sort entre 200 et 300 sapins à la minute et consomme 80 à 90 litres de kérosène en une demi-heure. C’est moins qu’avec un tracteur et je n’abîme pas les sols. En plus, je fais travailler une entreprise basée à 7 km à vol d’oiseau d’ici », justifie-t-il.
Depuis 2007, l’entreprise France sapin bio double sa production chaque année, passant de 2 000 unités à 20 000 à la fin 2016. 80 % sont des Nordman, « une variété avec un joli port, une belle couleur, qui perd moins facilement ses aiguilles » ; les 20 % restant des épicéas. Les arbres sont vendus à des particuliers, des revendeurs et des collectivités qui apprécient les sapins de grande taille. « Comme on utilise peu d’intrants et qu’on optimise la sortie, nos sapins sont compétitifs. Le prix moyen est de 10,25 euros. En France, il manque encore des sapins de Noël sur le marché. Il faudrait que l’on en produise 50 000 par an », souligne Michel Vuillier. Tout en poursuivant cet objectif, l’agriculteur ariégeois continue d’expérimenter. Depuis peu, il s’est engagé sur « la piste des huiles essentielles pour valoriser les éclaircies ». Michel fabrique même du vinaigre, des sirops, des bougies et des petits biscuits au sapin pour garder longtemps en bouche le parfum de Noël.

Axel Puig, novembre 2017