Photographe de l’immensité comme de l’intimité, Pierre Soissons a passé 44 années à sillonner les terres du Massif central. Avec son épouse Laurence, il a aussi créé une galerie photo au cœur d’Aurillac. Aujourd’hui, leur entreprise de cartes postales est à reprendre. Avis aux amateurs !
Par Sylvie Le Calvez
“J’aime photographier les gens, les faire poser. Je suis plus un adepte du portait que du reportage. Et j’adore les paysages de montagne. Ils évoluent en fonction de la saison, de l’heure, de la lumière, du lieu », s’enthousiasme Pierre Soissons depuis la galerie Vous êtes ici qu’il tient au côté de son épouse Laurence, au cœur d’Aurillac. Son éternel sourire aux lèvres, des étincelles plein les yeux, le photographe cantalou remonte le fil de son histoire. Nous sommes en 1980. À Montsalvy, Pierre ouvre le magasin typique des photographes de l’époque. Il alterne photos de mariages, calendrier des pompiers et développement des pellicules. « Je m’embêtais un peu, il n’y avait pas assez de monde. Alors, j’ai cherché une autre activité pour gagner ma vie », se souvient-il.
En 1984, il se lance ainsi dans la carte postale. Deux ans plus tard, Fuji sort ses premiers appareils argentiques panoramiques, avec un rendu proche de celui que proposent les chambres photographiques. « Ces panoramiques étaient maniables, parfaits pour photographier les paysages grandioses d’Auvergne. J’étais fauché mais j’ai investi. Et comme j’étais parmi les premiers à avoir ce type de matériel, j’ai conquis des clients un peu partout en France, y compris à Versailles pour photographier le château ! » Ses cartes en format 10,5 cm × 21 cm ont du succès. Il fait tout, de la prise de vue à l’édition en passant par la recherche des lieux de diffusion. Parmi ses sujets de prédilection, les hommes, les paysages mais aussi les burons, ces bâtiments en pierre, couverts de lauzes ou d’ardoises, que l’on trouve dans le Massif central. « Autrefois, il y en avait un pour 40 hectares de terres, soit un total d’environ 1 000 burons dans le Cantal. Aujourd’hui, il en reste seulement 200. Certains ont été transformés en gîtes et c’est tant mieux », dit-il sans nostalgie, lui qui apprécie de photographier les ruines, à l’image des peintres romantiques qui les mettaient en lumière dans leurs toiles.
De la carte au livre
Au début des années 90, Pierre rencontre Laurence, maquettiste, qui vient d’arriver dans le Cantal où elle ne connaît personne. Au-delà des formats panoramiques, elle imagine de nouvelles maquettes pour les cartes postales, des formats carrés par exemple. Ensemble ils se lancent dans l’édition de livres et créent les éditions Quelque part sur terre. Ils diffusent leurs ouvrages dans les mêmes boutiques que les cartes postales.
Au total une cinquantaine de livres ont vu le jour (deux à trois sont publiés par an) dont certains sont des commandes permettant d’équilibrer l’affaire pour prendre ensuite des risques sur d’autres projets éditoriaux. Avec l’arrivée du numérique, le couple décide finalement de fermer le magasin photo traditionnel qui comptait deux salariés. S’en suit un départ de Montsalvy pour ouvrir un nouveau lieu à Aurillac. Dans un bâtiment au cœur de la préfecture du Cantal, ils installent leur domicile, leur stock de cartes postales et de livres, mais aussi une galerie photo de 80 m². Malicieusement nommée Vous êtes ici, elle est ouverte trois après-midi par semaine. Les visiteurs viennent avant tout admirer les photos de Pierre Soissons, mais place est aussi laissée à d’autres artistes. L’heure de la relève Car après 44 ans d’une vie dédiée à la photo, Pierre pense à la relève.
L’heure de la transmission
Cette année, il prendra sa retraite, Laurence le suivra un an plus tard. « Nous souhaitons transmettre notre activité de cartes postales à un photographe qui voudrait s’installer. Nous fournirons tout : le fichier des cartes existantes, la liste des clients, les présentoirs dans les magasins. Il y a vraiment de quoi vivre en réalisant des missions photos à côté. Nous n’avons jamais cessé d’innover dans ce domaine comme avec notre collection humoristique “Des clichés contre les clichés”. » (Voir la photo ci-dessous.) Lorsque son affaire sera cédée, Pierre ne compte pas pour autant abandonner la photographie, mais plutôt s’adonner à des projets plus personnels. À l’image de ces 45 portraits d’habitants de Montsalvy qu’il vient de réaliser à la demande du maire. 28 ans auparavant, il avait effectué le même travail. Cet été, l’ensemble, soit 85 portraits, a été exposé dans l’ancienne abbaye du village. Les années passent, la transmission approche mais les clichés demeurent.
Contact
Éditions Quelque part sur terre… 10 rue Pasteur 15000 Aurillac. www.surterre.com. Tél. : 06 08 62 46 89