De la capitale à une bourgade de 230 habitants dans le nord du Béarn, atterrissage dans un collectif décroissant qui expérimente l’autonomie avec l’effondrement en toile de fond.
Aujourd’hui c’est moi qui suis de cuisine. Le premier service, c’est pour les poules. Deux godets de grain dans la malle de la grange, les épluchures de légumes, les bottes et les hautes herbes qui essuient leur rosée sur mes genoux. Défaire la chambre à air qui maintien la porte de l’enclos. Black and White, deux curieux moutons de Ouessant, débarquent avec leurs pupilles en trait d’union. Tous les matins ils jouent la même naïveté : ils oublient qu’ils sont herbivores autonomes et pensent que je viens les nourrir. Dans les poulaillers, plus personne ne dort depuis un bon moment. Tout le monde est dans les starting blocks. Quand je verse les grains dans les mangeoires, les poules entendent « À vos marques ».Quand mes pas s’approchent, « Prêts », quand ma main touche la poignée de la trappe « Feu », quand elle coulisse enfin, « Partez ! ». C’est black friday, les gallinacés se précipitent vers la pitance et le mangeoire est criblé de becs. Seules une ou deux pondeuses boycottent la cantine et je dois les bousculer un peu pour récupérer le butin ovale qui a passé la nuit sous la chaleur de leurs plumes.
Clément Osé, septembre 2019
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