A pas feutrés

Pour voir la beauté d’un arbre il ne faut pas avoir le nez sur le tronc. Il en est ainsi de tout : prendre du recul pour mieux voir l’intégralité des êtres, des choses ou des situations. C’est en prenant le temps d’écouter et de regarder les paysages, les femmes et les hommes qui vivent dans un territoire, les espèces végétales et animales, les failles, les cours d’eau, les arbres ou les marais, en ayant une approche sensible d’un ensemble qu’apparaissent de nouveaux champs du possible et surtout que l’on prend conscience des liens, de la richesse et de la beauté de ce qui nous entoure. C’est là que l’on perçoit toute la diversité qui compose l’écosystème d’un lieu, en perpétuel mouvement. Ne pas se précipiter pour agir mais s’imprégner et observer, pour que notre présence ou notre action vienne enrichir un lieu, ou, à tout le moins, pour qu’elle ne perturbe pas brutalement le milieu dans lequel nous évoluons. En effet, aujourd’hui, avec les équipements technologiques, mécaniques, industriels dont les hommes disposent il est facile de rayer de la carte, d’un coup de bulldozer, en une heure ou une journée, une forêt, une zone humide ou une prairie. Ainsi, pour tous ceux qui œuvrent dans les territoires, l’humilité, l’écoute et l’observation semblent un préalable nécessaire à toute action. Prendre ce temps pour que demain on arrête d’araser, de spolier, de détruire en toute inconscience et parfois ignorance ce qui nous permet de vivre sur cette terre. Car beaucoup d’événements qui nous paraissent extérieurs tels les incendies ou les inondations, voire les pandémies, sont bien souvent provoqués par les êtres humains coupables d’orgueil, d’ignorance, d’inconscience ou de cupidité. Il y a donc urgence à ce que, dans les écoles ou au sein des familles, on aille sur le terrain observer le plus petit insecte et l’ensemble de la vie d’une vallée. Dessiner, peindre, écrire, photographier ou filmer, les espèces, le patrimoine, les formes, les couleurs, connaître et reconnaître ce qui se déploie sous nos yeux pour enfin savoir le respecter, s’en émerveiller et le protéger avec conviction, comme une évidence, car seule cette prise en compte est capable d’assurer notre survie.

Sylvie Le Calvez, directrice de publication du magazine Village

Saint-Paul, le 2 novembre 2021

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