Depuis plus d’une décennie, Christophe Gatineau se bat pour la reconnaissance juridique des vers de terre. Pour ce faire, cet ancien agronome vient de créer la Ligue de protection des vers de terre.
Au cœur des monts d’Ambazac, à une vingtaine de kilomètres de Limoges, Christophe Gatineau vit au bord d’un grand lac entouré de forêts, mais aussi sans nul doute de quantité de lombrics. « Sur la planète, il existe 4 400 espèces de vers de terre. Ils représentent 80% de la biomasse des sols. Beaucoup d’espèces en dépendent. Par exemple, le blaireau est lombrico-dépendant, il peut en manger jusqu’à 100 kilos par an. Le merle n’élève ses petits qu’avec des vers de terre. Le hérisson, la taupe, les crapauds ou encore les lézards en raffolent aussi. En somme, le ver de terre n’a que des ennemis », sourit Christophe Gatineau.
Sans lombric point de sols
Fils de paysan de Saintonge, agronome de formation, Christophe Gatineau est le plus fervent défenseur des lombrics à qui il a consacré un ouvrage devenu best-seller : Éloge du ver de terre. Depuis plus d’une décennie, il milite pour que cet animal, dont dépend la fertilité des sols, bénéficie d’une existence juridique. « Dans les années 1970, lorsque je faisais mes études de Protection des cultures, on nous apprenait comment détruire la nature pour faire de l’agriculture. Le but était d’éradiquer la biodiversité. J’ai donc refusé de passer le concours. Je suis devenu vacher, berger, réalisateur … En 2013, je me suis rendu compte que nous avions causé un grand effondrement, qu’il n’y avait plus d’hirondelles dans les écuries, qu’on lâchait des animaux pour la chasse et que ces gros vers de terre qui ressemblent davantage à des orvets avaient disparu », raconte-t-il depuis son domicile limousin.
« S’ils disparaissaient, notre système alimentaire serait en péril. »
Quand certains dédient leur vie aux grands mammifères, Christophe Gatineau décide de placer toute son énergie et sa verve au service de cet animal mal aimé, méconnu et souvent synonyme de saleté. « C’est un monde qu’on ne voit pas. On a longtemps pensé qu’ils étaient des parasites qui mangeaient les racines des plantes. Dès le Moyen Âge, on a inventé un pesticide pour les éradiquer. Pourtant, s’ils disparaissaient, notre système alimentaire serait en péril », dit-il.
En effet, sans eux, point de sol puisqu’en digérant la matière organique, ils fertilisent la terre qu’ils aèrent également en creusant des galeries, ce qui permet de retenir l’eau pour alimenter les racines des plantes d’une part et recharger les nappes phréatiques d’autre part. Les vers de terre sont également en interaction constante avec les autres organismes vivants. Ils se nourrissent de matières organiques en décomposition qu’ils mélangent à la matière minérale provenant de la roche.
Le ver dans la loi
Pour protéger les annélides menacés par l’agriculture intensive et les produits phytosanitaires, Christophe Gatineau a donc créé, en 2016, l’association Le Jardin vivant. Cinq ans plus tard, à force d’articles, de livres et d’interventions dans les médias et les ministères, l’agronome limousin a obtenu de l’État que le ver de terre soit reconnu comme l’un des piliers de notre souveraineté alimentaire. Mais le combat ne s’arrête pas là. « Il faut une reconnaissance juridique. Si vous n’êtes pas nommés dans la loi, vous n’existez pas. Quand une entreprise crée un produit, elle teste ses effets sur l’eau, les abeilles mellifères, le bourdon, mais pas sur le lombric terrestre ! Au-delà, c’est la reconnaissance des sols qui nous nourrissent qui est en jeu », insiste Christophe Gatineau qui préside depuis sa création le 22 avril dernier, la toute jeune Ligue de protection des vers de terre.
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