Le grand retour des métiers manuels

Agnès Viry travaillait au CNRS. Aujourd'hui, elle confectionne des tisanes sauvages en Ariège
© Axel Puig

Pour retrouver du sens au travail, échapper au burn-out ou changer de vie, de plus en plus de personnes se tournent vers les métiers manuels. Rencontre avec ces paysans et ces artisans qui ont franchi le pas et trouvé l’épanouissement.

Jocelyne Dugue a quitté est devenue boulangère dans le Quercy
© Axel Puig

Dehors, la canicule enveloppe la campagne quercynoise. Derrière les murs épais de la maison en paille, l’air est d’autant plus frais qu’aujourd’hui, le four à pain est éteint. La boulangerie est au repos. Jocelyne Dugue aussi. Cette bâtisse située à Montricoux (Tarn-et-Garonne), Jocelyne l’a construite de ses mains avec son compagnon. « Pendant quinze ans, j’ai travaillé comme ingénieur du son à la Comédie française, raconte-t-elle. C’était chouette, mais j’étais fatiguée du monde du spectacle. On parle beaucoup des aspirations des artistes. J’étais lasse du caractère abstrait de ces discussions. Et puis, quand j’ai commencé, on travaillait avec des bandes, c’était manuel. Aujourd’hui, les ordinateurs ont pris le relais, les machines sont de plus en plus techniques. » L’envie de quitter Paris et celle de « faire un métier simple, à la base de la vie » pousse Jocelyne et sa famille à changer de vie. En 2011, elle se décide à quitter la capitale pour les berges de l’Aveyron, le monde du théâtre pour celui de la boulangerie, un métier de plus en plus abstrait pour une activité manuelle. « La Comédie française m’a payé une formation de boulangère. J’ai fait un CAP accéléré en trois mois et puis j’ai démissionné », poursuit-elle. Aujourd’hui, Jocelyne fait « du pain politique », avec des farines locales, sans machine, uniquement avec ses mains. Du pain labellisé Nature et Progrès qu’elle vend en directe, dans deux AMAP d’Albi et Montauban. Son plus grand plaisir, elle le trouve désormais dans le frasage, cette opération qui consiste à mélanger lentement l’eau et la farine. « C’est ce que je préfère, c’est génial, dit-elle en mimant d’amples mouvements. Dans les gestes du pain, il y a quelque chose d’antique. Je peux façonner les yeux fermés. Parfois, je fais même de la méditation. C’est un métier reconstituant, ressourçant. On se sent vivant ! » Cet épanouissement qu’elle trouve dans son nouveau métier n’a pas de prix. En devenant boulangère, Jocelyne a presque « divisé par trois son salaire ».

Axel Puig, août 2018

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