Trente ans déjà

© Gilles Davy

Il y a des anniversaires qui méritent vraiment d’être souhaités. C’est le cas pour ce magazine.

Fruit d’une rencontre personnelle, avec d’abord la découverte de l’Acteur rural, puis de Village, enfin d’une entrevue avec les fondatrices et l’équipe, d’une visite à La Caillère, hameau originel… Une amitié qui date et qui dure encore. En dehors des relations humaines, il y a ce combat mené, et disons-le par peu de protagonistes à ses débuts. Revue qui, à rebours, disait que l’espoir était permis et qui le prouvait au fur et à mesure de ses numéros. Revue qui s’opposait au temps conquérant qui, avec les années, amenait à la surconcentration, à la métropolisation (en réalité une « mégapolisation »). Temps qui ne supportait apparemment pas la simple existence d’une autre réalité. Durant ces trente ans, s’il a fallu supporter ce discours pénible, écartelé entre le misérabilisme interne (élus se plaignant mais n’agissant pas) et le déni externe (acteurs du système dont certains géographes et économistes, refusant le « vivre et travailler au pays »), Village a tenu et témoigné.

J’ai rencontré tant de personnes qui attendaient la parution pour respirer, pour reprendre espoir dans leur projet, qui n’étaient pas comme le disent les mauvaises langues un truc de bobos ou d’attardés. Plus simplement, les lecteurs avec lesquels j’échangeais, trouvaient enviables la montagne, le bocage, les terroirs. Pour reprendre les paroles prophétiques de Jean Ferrat en 1965, ils n’avaient pas envie (et moi non plus) de « rentrer dans son HLM, manger du poulet aux hormones ».

Nous sommes très nombreux et sans doute de plus en plus à ne pas partager la philosophie du système destructeur en place. Mais cela ne suffit pas de dénoncer, il faut savoir où aller, quoi faire. Et Village – plusieurs fois copié, mais en vain – a constamment donné de la respiration, démontré que le rêve concrétisable était souvent concrétisé. Et ceci, toujours contre la marée bien-pensante qui nie en bloc cette aspiration et oppose sans cesse ses statistiques faussées (la surface urbaine versus le rural), qui assène des qualificatifs péjoratifs (nous habitons le rural profond !), qui refuse les tendances nouvelles de l’économie ou les récupère (la proximité, le court, la simplicité). Bon, rentrant dans ma vingt-quatrième année de collaboration, je ne peux que remercier Village de m’avoir permis de l’accompagner.

Bernard Farinelli