En France, près de 80 % des communes rurales ne possèdent plus ni café ni restaurant. Pour enrayer ce phénomène, les Bistrots de Pays imaginent, depuis trois décennies, des recettes innovantes. Leur modèle est fondé sur l’ancrage aux territoires, les circuits courts, la mise en réseau, l’animation et la multiactivité. Un peu partout en France, ces établissements, étendards de leur terroir, maintiennent la vie dans les villages. Reportage entre Alpes-de-Haute-Provence, Corrèze, Picardie et Hautes-Alpes, à l’occasion du trentième anniversaire du réseau.
Par Axel Puig
Sur le mur en briques du Nord, il y a un oiseau bleu cerclé de jaune, un trèfle tricolore, un ballon de rouge aux traits géométriques et une ardoise qui annonce le menu du jour. À l’Auberge des Tilleuls, toute l’année, on peut à la fois déguster un pigeonneau farci aux champignons, boire une bière locale, dévorer un bouquin, miser sur le bon numéro, ou expédier un courrier. Depuis une dizaine d’années, l’établissement est le cœur névralgique de Heilles, village picard de 600 habitants, situé entre Creil et Beauvais (Oise). « Le bistrot est le dernier lieu où les gens peuvent se rencontrer. S’il baisse le rideau, ils n’ont plus qu’à rester devant leur télévision. Ils ne seront plus au courant de ce qu’il se passe dans leur village. Qui est hospitalisé, qui a besoin d’un coup de main ? Tout cela, on l’apprend au bistrot », lance Charles-Édouard Barbier à la faveur d’une pause entre les services du midi et du soir.
« L’auberge est l’ambassadeur du territoire »
À 22 ans, après voir bourlingué entre Atlantique, Chine et Méditerranée, le chef a repris le dernier commerce encore en activité de son village. « En 2009, j’ai appris que le propriétaire voulait vendre. L’établissement était en quasi faillite. J’ai acheté le fonds pour montrer qu’on pouvait faire tourner un bistrot dans une commune de 600 habitants », poursuit-il. Treize ans plus tard, le pari est réussi. L’Auberge des Tilleuls régale les habitants d’Heilles et des alentours. La recette du succès : des services, des animations, des produits locaux dans les verres comme dans les assiettes. Autant d’éléments qui ont permis à l’établissement d’être labellisé Bistrot de Pays. « L’auberge est l’ambassadeur du territoire », résume Charles-Édouard Barbier qui a pris, en 2019, la présidence de la Fédération nationale des Bistrots de Pays.