30 ans du magazine Village (Episode 1)

L'équipe de Village dans les années 1990.
L’équipe de Village dans les années 1990.

Des disquettes au milieu des pommiers

À travers cette courte série en trois épisodes, voici le récit (forcément incomplet) des 30 années d’existence de Village. Elle sera diffusée jusqu’à l’été 2023, où sera publié un numéro spécial anniversaire de votre magazine. Oui, « votre » magazine, car sans vous, chères lectrices et chers lecteurs, nous n’aurions pas pu continuer à faire découvrir la foultitude d’initiatives sociales et solidaires des villages.

Par Sylvie Le Calvez

30 ans… l’âge que j’atteignais quand nous avons décidé, à une poignée d’amis, de créer le magazine national, indépendant, que vous tenez entre les mains. C’était il y a 30 ans. À cette époque, il s’appelait L’Acteur Rural, du nom de la société de presse que nous avions créée pour cela. C’était l’époque des disquettes et des diapositives.

En 1993, tous les titres de presse nationaux étaient basés en ville. Sans Internet, pas question de s’installer au milieu des champs. Et c’est pourtant le pari fou que nous avons tenté. Au cœur d’une prairie de pommiers à cidre, dans une vieille maison dont il a fallu colmater les trous avec du torchis – mélange de terre et paille –, nous avons posé les Macintosh première génération et le poêle à bois. Le matin, on enfilait les bottes pour traverser le pré…

Macintosh Quadra et poêle à bois

Deux ans plus tard, grâce à la rencontre et l’association avec Michel Hommell, éditeur de Village Magazine, titre consacré au patrimoine et au tourisme rural, nous avons pu sortir en kiosque en fusionnant les deux titres.

Le magazine a été imaginé pour apporter sa pierre à la lutte contre la désertification des territoires ruraux. Cela sonnait pour nous comme une évidence. Il existait partout pléthores d’initiatives positives pour continuer à vivre là, dans les villages, mais elles étaient sous les écrans radar. Les grands médias ne s’intéressaient pas à cette question sauf en des termes négatifs. Le discours ambiant était misérabiliste. On parlait de Paris et du désert français, de la diagonale du vide…

Avec uniquement 2000 francs en poche, nous avons réussi, grâce à plus d’une centaine de rendez-vous auprès d’associations, à ce qu’une part d’entre elles lancent un appel à abonnement-souscription auprès de leurs adhérents. Ce qui nous a permis de mettre en route le premier numéro. Une sorte de financement participatif (crowdfunding) avant l’heure.

Avec le passage en kiosque en 1995 et l’ouverture de la rubrique des petites annonces, nous nous sommes aperçus que, non seulement les ruraux y puisaient des infos pour mener des projets, mais que des citadins souhaitaient venir habiter les campagnes, à l’inverse du discours dominant ambiant. Ils passaient des annonces telles des bouteilles à la mer « cherche à redynamiser village » ou « cherche à sauver école » sans valoriser leurs compétences, sans vraiment savoir ce que l’on pouvait exercer comme métier dans ces territoires ruraux.

C’est là que nous avons imaginé, avec l’université Paris VII – merci et plus encore à Josée de Félice*–, le Collectif Village campagne qui a rassemblé pendant plus de 20 ans des acteurs publics et privés autour de ces questions de relations et de migrations entre villes et villages. Nous avons, ensemble, imaginé des outils pour accompagner les porteurs de projets et les collectivités. L’ex-directeur du Collectif, Jean-Yves Pineau, a d’ailleurs monté la structure Les Localos qui poursuit aujourd’hui, pour une large part, l’aventure du collectif.

Les moutons paissaient autour de la rédaction

1995, c’est cette année-là aussi que l’équipe de la rédaction a quitté la petite maison du pays d’Ouche ornais pour un corps de ferme en Suisse normande de l’autre côté du département de l’Orne. C’était un véritable tiers lieu avant l’heure, qui hébergeait la rédaction de Village, l’association Savoir-Faire & Découverte et un centre de ressources composé de plus de 4 000 livres consacrés aux territoires ruraux. Les moutons paissaient autour de la rédaction Nous y accueillions des porteurs de projets, des élus, des habitants.1998 : ce fut l’arrivée de « l’Internet » comme on disait. Terminé les colis de disquettes et de diapos qui se perdaient dans les méandres de La Poste, les allers-retours à Caen pour corriger les dernières pages avec le graphiste. Une sorte de petite révolution qui ouvrait la voie au télétravail.

Une partie de l’équipe a donc choisi, pour des raisons familiales, et parce que les amours dépassent souvent les limites des territoires, d’aller s’installer là où leur vie personnelle la conduisait. Si nous ne mangions plus tous ensemble sous le poirier en fleurs à la belle saison, la solidarité, la confiance, le partage et le soutien n’ont jamais cessé entre les membres de l’équipe pour faire face aux difficultés financières et à la multiplicité des tâches dévolues aux petites entreprises.La suite au prochain numéro… * Responsable du DESS Aménagement, animation et développement local de l’UFR géographie, histoire, sciences de la société de l’Université Paris VII (en 1995) et pendant de nombreuses années présidente du Collectif Ville Campagne.

L’histoire de Village en podcast

Nous avons eu le plaisir de recevoir Amélie du Podcast « Laisse béton » qui m’a interviewée sur l’histoire du magazine Village (voir p.XX des Cahiers de la ruralité). Vous pouvez l’écouter sur laisse-beton.frAh, il est loin le temps des disquettes !