À l’épicerie : bons produits et lien social

C’est un magasin et un tiers-lieux à la fois, un endroit où l’on défend l’alimentation locale, paysanne et le lien social. Il y a cinq ans, alors au chômage, Cécile Gorlier et Marie-Catherine Altot ont créé L’épicerie sans fin, un lieu atypique au pied des Pyrénées.

Texte et photos : Axel Puig
Cécile Gorlier (à gauche) et Marie-Catherine Altot ont créé bien plus qu’une épicerie.
© Axel Puig

Derrière le portail en fer forgé, il y a un jardinet, une table, un cahier posé et deux lauriers qui gardent l’entrée. À l’intérieur de la grande bâtisse, les étagères sont garnies de bocaux, les murs tapissés d’affiches militantes et colorées. « L’épicerie sans fin, c’est à la fois une boutique et un tiers-lieu, un endroit où l’on peut acheter local et paysan, un lieu pour tout le monde où les initiatives peuvent germer, où on fait ensemble, en partageant, en se réappropriant des savoir-faire », annoncent Cécile Gorlier et Marie-Catherine Altot.
Il y a cinq ans, les deux amies aux sourires immuables ont créé cette épicerie atypique et associative au cœur de la petite cité de Sauveterre-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques). « À cinquante ans, on s’est toutes les deux retrouvées au chômage. Nos enfants étaient partis et on s’est dit que c’était le moment de concrétiser nos rêves », racontent-elles.
Gérante d’un hôtel et d’un restaurant, Cécile ne connaissait pas grand-chose à l’épicerie. Marie-Catherine, une parisienne tour à tour informaticienne, journaliste et vendeuse en aromathérapie, non plus. Pourtant, il ne leur aura fallu qu’un an – dont six mois à sillonner les campagnes dans le but de s’inspirer d’autres initiatives – pour que leur idée de départ se matérialise et que n’ouvre, en juin 2016, l’Épicerie sans fin. « La mairie a soutenu notre projet et nous a proposé cette maison pour un loyer de 100 € par mois. De notre côté, nous avons mis 800 € chacune pour l’aménagement. Les travaux ont été réalisés lors de chantiers participatifs », relate Cécile. « Au début, les producteurs ont accepté d’être payés un mois après la livraison de leurs marchandises », ajoute Marie-Catherine.

Plus c’est loin, plus c’est cher

à l’épicerie sans fin, on peut régler en tinda, la monnaie locale du Béarn.
© Axel Puig

Cinq ans après l’inauguration, le modèle imaginé par les deux quinquagénaires a fait ses preuves. L’Épicerie compte 150 familles adhérentes, dont 70 sont également fournisseurs. Ces derniers vivent dans un rayon de 50 kilomètres autour de Sauveterre-de-Béarn. Sur les étagères et dans les bacs, on trouve du vrac : lentilles, quinoa, pois chiche ou cacahuètes du Val d’Adour tout proche ; des pâtes d’une Scic locale, de la compote de pêche, de la charcuterie, du vin, des bières, des fromages fermiers, un petit coin libre-service où les clients peuvent prendre gratuitement les légumes qui n’ont pas trouvé preneur, de la farine, des savons et mêmes quelques pièces d’artisanat confectionnées avec des produits recyclés ou les créations d’une couturière locale qui travaille sur le zéro déchet. « L’objectif est de soutenir l’agriculture locale paysanne. On veut des campagnes peuplées de fermes, disent-elles de concert. Nous soutenons aussi les jeunes agriculteurs qui s’installent, et les races locales comme le porc Quintoa ou la vache béarnaise. » Pour ne pas concurrencer les producteurs, Marie-Catherine et Cécile définissent un prix de vente majoré a minima de 10 % par rapport au prix proposé en direct par l’agriculteur. Toutes les courses peuvent être payées en Tinda, la monnaie locale béarnaise pour laquelle L’épicerie sans fin assure la fonction de comptoir d’échange. Quant aux marges, elles fluctuent selon les produits et l’éloignement du site de production. « Nous avons trois niveaux de marge. Plus c’est loin, plus elle augmente », souligne Cécile. Pour les maraîchers, la marge est par exemple de 1,35, tandis qu’elle grimpe à 1,45 pour une coopérative landaise de producteurs bio, et jusqu’à 1,5 pour les produits qui viennent de l’étranger par l’intermédiaire de la coopérative Andines.

Couture ou pâtisserie ?

 

Il y a 5 ans, alors au chômage, Cécile Gorlier et Marie-Catherine Altot ont créé L’épicerie sans fin, un lieu atypique au pied des Pyrénées.
© Axel Puig

Au final, la petite épicerie imaginée il y a cinq ans par les deux amies réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel d’environ 85 000 €. Ce qui permet de financer deux équivalents temps plein. La réussite de la boutique conforte également les activités sociales menées par l’association. À L’épicerie sans fin, si on peut faire ses courses, on peut aussi s’instruire, échanger, partager, transmettre des savoir-faire. « Avec les adhérents, nous organisons plein d’activités et de stage », confirme Marie-Catherine. Céramique en famille, atelier couture ou pâtisserie, découverte de la biodiversité avec les enfants, échanges linguistiques, bibliothèque partagée, formation à des outils de gouvernance partagée, la liste des animations proposées par l’épicerie est presque… sans fin.

 

Tour de table
Si l’activité d’épicerie fonctionne grâce aux ventes de produits, le volet social de l’association est largement soutenu par les collectivités locales. La Caf, le département des Pyrénées-Atlantiques, la communauté de communes du Béarn des Gaves et la commune de Sauveterre-de-Béarn constituent le tour de table. Les adhésions à l’association, de 10 € par an, complètent le budget.

Contact
L’épicerie sans fin
2 rue Léon Bérard
64390 Sauveterre-de-Béarn
Tél. : 09 86 60 56 51.

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