Osons les légumes lactofermentés !

Bonne pour la santé, facile à réaliser, antigaspi et non énergivore : la lactofermentation a de quoi séduire les adeptes du bien-manger et du faire soi-même.

Texte et photos : Marie Albessard

Des légumes, du sel et de l’eau. Voilà ce que l’on appelle une recette minimaliste ! Malgré ce que son nom peut laisser supposer, aucune trace de produit laitier dans la lactofermentation, mais un procédé tout à fait naturel. Le principe : on coupe ou râpe des légumes que l’on immerge dans une saumure ou dans le jus qu’ils ont rendu en dégorgeant avec du sel. On remplit un bocal, on le ferme et le tour est joué. Quelques semaines plus tard, les bactéries renfermées par les légumes ont transformé les sucres en acide lactique. Le résultat : des légumes fermentés, dont la choucroute ou le kimchi (chou épicé coréen) sont de parfaits exemples. Intérêt indéniable de la lactofermentation : elle n’utilise aucune énergie et ne nécessite ni cuisson, ni stérilisation. Même le frigo n’est pas indispensable si l’on dispose d’un endroit frais pour entreposer ses bocaux. C’est aussi une astuce antigaspi pour ne pas gâcher les grosses récoltes du potager.

© Marie Albessard

De l’eau, du sel et c’est tout

Deux ingrédients sont essentiels pour la lactofermentation : l’eau et le sel. Attention : il faut utiliser du sel ni iodé, ni fluoré car ceux-ci sont des antiseptiques qui empêchent le développement des bactéries. Pour les mêmes raisons, l’eau ne doit pas être chlorée. Si l’on utilise l’eau du robinet, on peut la filtrer dans une carafe, laisser le chlore s’évaporer ou la faire bouillir. Deux techniques de lactofermentation sont possibles : soit mélanger du sel avec les légumes coupés (1% de sel par rapport au poids de légumes), les laisser dégorger un quart d’heure environ et remplir le bocal des légumes et de leur jus. Soit réaliser une saumure (eau + sel) avec laquelle on les immerge dans le bocal. Au remplissage, attention à laisser environ 2 cm d’espace car les légumes gonflent lors de la fermentation. Une fois le bocal rempli, on le laisse à température ambiante pendant cinq à sept jours avant de l’entreposer dans un endroit frais, comme une cave ou un frigo. Les bocaux se gardent une année, voire plus.

Chasser l’air !

Pour que l’opération réussisse, il faut respecter quelques règles, au premier rang desquelles l’absence d’air, car celui-ci entraîne le développement de moisissures. Une fois les légumes disposés dans le bocal, il faut donc chasser l’air en appuyant bien dessus, à la main ou avec un mortier. Autre règle d’or : ne jamais ouvrir le bocal au cours de la fermentation, pour les mêmes raisons. « Ensuite, il faut travailler proprement mais ne pas être obnubilé par le tout stérile. Il faut trouver le juste milieu », précise Marie-Claire Frédéric, journaliste et historienne de l’alimentation, qui anime le blog Ni cru ni cuit, référence sur le sujet. Comprendre : un plan de travail et des vêtements propres mais surtout pas de produits antibactériens ! De même, on oublie la stérilisation des bocaux. 

© Marie Albessard

La quête du goût

Sa simplicité d’exécution permet d’expérimenter, en tentant des combinaisons de goûts, de textures et de couleurs. La lactofermentation est un laboratoire gustatif à la portée de tous. « Je trouve que les légumes sont parfaits au bout de deux semaines : ils sont croquants, leur goût est équilibré, acidulé », conseille Marie-Claire Frédéric. La simplicité, l’accessibilité, la possibilité de composer ses propres recettes, c’est ce qui a séduit Juliette Patissier lorsqu’elle a découvert la fermentation. Elle en a d’ailleurs fait un ouvrage : Fermenter presque tout avec presque rien. « Au mieux, on transforme des aliments, on découvre des goûts. Au-delà de la cuisine, cela permet de comprendre ce qui se passe dans le vivant », expose-t-elle. Et au pire ? Au moindre raté, impossible de passer à côté : couleur alarmante fluo des légumes, apparition de moisissure, odeur de pourri… Après deux semaines, la lactofermentation a opéré et on peut déguster ! Dans l’assiette, les combinaisons sont nombreuses : en salade, en poêlée, en soupe, à l’apéro ou pour agrémenter des sandwiches.

L’intérêt nutritionnel

«  Ainsi préparés, les légumes sont « au niveau nutritionnels plus riches qu’à l’état frais, pointe Marie-Claire Frédéric. Les micro-organismes contenus dedans – vivants ou morts – une fois dans nos intestins, dialoguent avec nos propres bactéries. Et c’est aussi intéressant pour notre microbiote. » Pour maximiser les bienfaits de la lactofermentation, on privilégie la qualité des légumes : bio de préférence, de saison, locaux… « Plus on travaille des aliments frais et bio, mieux la lactofermentation réussira », ajoute Juliette Patissier. Marie-Alice Frédéric complète : « Le bio est préférable car la fermentation peut certes éliminer des pesticides mais d’autres peuvent interagir et, par réactions, donner des goûts indésirables ». Cette technique ancestrale est donc, aussi, une façon de se réapproprier notre façon de consommer.

Recettes et bocaux se partagent

Il n’y a qu’à voir les nombreux commentaires sous les recettes du blog Ni cru ni cuit où les internautes échangent sur leurs réussites et leurs ratés pour comprendre que la lactofermentation est une pratique éminemment sociale. À l’image des recettes qu’on se partage, on s’échange des tuyaux sur des combinaisons qui fonctionnent et on échange des bocaux. Juliette Patissier s’en enthousiasme : « Personnellement, quand je fais du kimchi, j’en fais des kilos et je finis par en donner autour de moi ! »

On lactofermente depuis la nuit des temps…

« Des indices font penser qu’elle existe depuis le paléolithique, indique Marie-Claire Frédéric, journaliste et historienne de l’alimentation. Les hommes préhistoriques, même à l’époque des chasseurs cueilleurs, faisaient des réserves de nourriture. On a remarqué que la première chose qu’ils mangeaient c’était le contenu de l’estomac de l’animal contenant des végétaux à moitié digérés. C’était la première « choucroute » que l’homme ait consommée. » On retrouve la lactofermentation sous diverses formes et dans toutes les cultures du globe. Délaissée avec l’arrivée des frigos, elle connaît ces dernières années un regain d’intérêt.

 

Betteraves lactofermentées en saumure

© Marie Albessard

Recette issue du blog Ni cru ni cuit avec l’aimable autorisation de Marie-Claire Frédéric

Pour un bocal d’1 litre : 900g de betteraves crues. Environ 20cl de saumure à 3% (soit 30g de sel pour 1l d’eau)

Éplucher les betteraves et les émincer en julienne, si possible à la mandoline pour obtenir des morceaux fins. Remplir le bocal en tassant bien jusqu’à 2 cm en dessous du bord. Verser la saumure jusqu’à recouvrir les betteraves. Fermer le bocal, laisser 7 jours à température ambiante puis placer au frais. Attention : les betteraves ayant une fermentation « extravertie », placer une assiette en-dessous au cas où le bocal déborde.

 

Concombres acidulés

© Marie Albessard

Ingrédients :
2 concombres bio (avec la peau)
Graines de moutarde
Grains de poivre
Un bouquet d’aneth
Une botte d’oignons nouveaux
Pour la saumure : 50 cl d’eau 15g de gros sel +1 cuillère à café de sucre
Mélanger les ingrédients de la saumure et faire chauffer pour dissoudre le sel et le sucre. Pendant ce temps, couper les concombres en plusieurs tronçons en fonction de la hauteur du bocal. Puis, toujours en conservant bien la peau, recouper dans la longueur en trois ou quatre, en fonction de la grosseur des morceaux voulue. Couper l’aneth et les oignons en rondelles. Disposer les concombres dans le bocal avec les aromates et les morceaux d’oignons. Remplir avec la saumure chaude (selon Marie-Claire Frédéric, cela préserve le croquant des concombres). On peut également la verser froide. Ces pickles se dégustent en apéro, dans une salade, un sandwich ou en accompa- gnement d’une terrine maison.