La ville était considérée comme l’espace d’émancipation et de liberté par excellence. On y allait pour poursuivre ses études. C’était le lieu des fêtes, des rencontres avec des étudiants venus d’ailleurs, des découvertes, d’une ouverture au contact de l’altérité. C’était le moment des nouveaux liens, d’une vie pleine de promesses… Mais quelque chose s’est cassée. Aujourd’hui, la ville ne fait plus autant rêver. La faute à l’insécurité, la pollution, le manque d’espace (extérieur et intérieur) accentué par la Covid. Alors, bon nombre de jeunes, qu’ils soient d’origine rurale ou urbaine, la quitte, à peine les études terminées, car cette liberté n’est plus, parce que les rencontres et soirées festives deviennent plus compliquées. Le besoin d’espace et de nature, les appartements souvent trop petits font que les campagnes deviennent les nouveaux lieux d’espoir, de liberté, d’espace, de beauté, de sport, de nouveaux métiers, de tranquillité et même de nouveaux contacts et amis….
Et c’est peut-être cette valeur là que les élus doivent promouvoir pour demain.
La campagne n’est pas un grand jardin récréatif ou un décor pour une simple récréation mais un lieu bien plus complexe où les imaginaires sont stimulés et où un nouveau récit peut voir le jour. Car, dans les territoires ruraux, nous sommes reliés mais pas étouffés. Et c’est là qu’un espoir, loin du diktat de la seule économie et de la finance, peut sûrement trouver sa place, c’est là que des envies peuvent renaître, au cœur du vivant, les pieds sur terre.
Alors oui, bien sûr, il faut faire attention de ne pas dilapider ce bien précieux en reconstruisant les villes à la campagne comme l’écrivait Alphonse Allais. Il semble nécessaire d’adapter sans contraindre, sans tout contrôler, pour que la liberté subsiste. De grandes bâtisses transformées peuvent servir de tiers-lieu ou d’habitat collectif intergénérationnel, les granges non utilisées, même dans des hameaux isolés, être aménagées en ateliers d’artisans ou en salle de concert. Mais la réglementation est draconienne et compliquée. Les règles d’urbanisme doivent certes limiter l’artificialisation des terres, mais elles ne doivent pas empêcher d’imaginer une vie différente à un moment où l’on peine à trouver une porte de sortie vers un avenir plus radieux. Ne pas donner un permis de construire à un propriétaire d’une vieille grange pour en faire un atelier, c’est nier le passé et le patrimoine des anciens tisserands ou autres artisans du XIXe. C’est voir une société uniformisée et standardisée, quand les contextes territoriaux sont différents et quand les besoins de demain, ceux d’une économie de proximité retrouvée et d’un patrimoine restauré, ceux d’une liberté de créer, de travailler, de s’émanciper, de faire la fête sans risquer de déranger, sont plus que jamais d’actualité. Car finalement la post-modernité s’invente peut-être là, avec des jeunes et des moins jeunes, au milieu des prés et des bâtisses à restaurer et à revisiter.
Sylvie Le Calvez
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